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Chroniques
Mireille
opéra de Charles Gounod
Pour le plus provençal des opéras français, difficile de faire plus provençal que la mise en scène de Robert Fortune. Des galets à la lumière aveuglante du midi, des costumes aux cannes en bois, tout fleure la Provence selon une lecture à ce point illustrative qu'on en vient à se demander si le folklore de l'œuvre empêche vraiment toute reconstitution en dehors de la Camargue. La question équivaut à celle qu'au théâtre peut se poser tout metteur en scène de Marius, Fanny ou César : faut-il ou non garder l'accent marseillais ? Récemment au Théâtre du Vieux-Colombier, Irène Bonnaud avait répondu par la négative pour mieux restituer l'universalité de l'œuvre de Pagnol. Et, après tout, si Carmen la rebelle peut vivre sans espagnolades, alors certainement l'amoureuse Mireille peut vivre hors de la Provence.
Il reste que la mise en scène de Robert Fortune, sans être novatrice, est plaisante à regarder, d'autant que les deux rôles principaux sont incarnés par de jeunes chanteurs qui ont peu ou prou l'âge de Mireille et Vincent. À voir la charmante Hye Myung Kan, on comprend que le plus pauvre des vanniers s'éprenne d'elle. Il est dommage que l'articulation du français ne suive pas et que le timbre, assez agréable (encore qu'un peu acide dans les aigus), soit entaché par une interprétation monochrome qui empêche l'émotion d'affluer, y compris dans le final tragique des Saintes-Maries.
C'est un peu le contraire pour le ténor Sébastien Guèze – qu'on avait remarqué (positivement) il y a un an dans Pagliacci [lire notre chronique du 30 juin 2007] et (à l'inverse) dans Salammbô en début de saison [lire notre chronique du 30 septembre 2008]. Sa diction est excellente – bonne nouvelle pour le chant français qui avec des articulations soignées comme celle de Roberto Alagna ou autres Ludovic Tézier fait preuve d'une belle vitalité –, les couleurs de son timbre d'une grande richesse. Il faut sans doute encore un peu d'expérience au jeune chanteur pour mieux doser son énergie, ne pas forcer sa voix et négocier plus sûrement ses aigus, mais son talent est très prometteur.
On apprécie sans réserve Marie-Ange Todorovitch (Taven) qui offre puissance, ampleur et phrasé nuancé, et surtout les deux compèresAlain Vernhes (Ramon) et Jean-Marie Frémeau (Ambroise) qui, en vieux routiers de l'opéra, savent donner vie et émotion à leurs rôles de paterfamilias. La scène où ils s'affrontent est une belle leçon de chant et de jeu : elle montre que l'économie de moyens peut conduire, plus sûrement que l'énergie parfois un peu brouillonne de leurs cadets, à l'intensité dramatique.
Dans la fosse, Cyril Diederich dirige mollement l'Orchestre de l'Opéra de Marseille qui, privé de flamme, n'est sauvé que par l'allant des percussions. Malgré tout, et même mutilée de la si jolie valse O légère hirondelle, on prend plaisir à réécouter la partition de Gounod, ne serait-ce que pour l'air du berger qui, dans sa simplicité, est aussi parfait que l'air de Barberine dans Les Noces.
IS